Les consignes robotisées au cœur d’une vision logistique globale

La montée en puissance de l’e-commerce dans la réalisation des courses alimentaires s’accompagne, depuis près de 20 ans, d’une multiplication des modes de livraisons et des possibilités offertes aux consommateurs. Ces nouvelles modalités soulèvent aujourd’hui des questions fondamentales de pertinence quant à leur adoption par les consommateurs, leurs perspectives de rentabilité pour les distributeurs, mais aussi à leurs effets sociétaux, économiques et écologiques.

Article rédigé par Aurélien LEGUYHead of Innovation, SAVOYE

Updated on 05/24/23 15:05

Parmi tous ces modèles de retrait, les consignes robotisées semblent se démarquer au point de produire depuis quelques années à un véritable bouillonnement de concepts différents.

De nombreuses enseignes de grande distribution les expérimentent à l’échelon local pour mieux appréhender leurs usages par les clients et leur rentabilité économique, sans pour autant pousser l’expérimentation à un déploiement à grande échelle. Si l’idée de pertinence des consignes robotisées fait son chemin, on ne voit pas encore de réel consensus se former sur un mode de fonctionnement optimal ni de point d’inflexion dans l’adoption de ce mode de retrait par les enseignes de grande distribution. Pour trouver un business model viable, il est indispensable de raisonner au-delà de la consigne elle-même et de penser le schéma logistique complet à l’échelle locale.

Une vision logistique d’ensemble

Consignes robotisées, drive, livraison à domicile et click&collect représentent une gamme complète et complémentaire de modes de retrait et de livraison, proposés aux côtés des courses classiques en grande et moyenne surface. L’idée n’est pas de miser sur un canal plutôt qu’un autre, mais bien d’offrir un panel de services en mesure de répondre à un maximum de cas du quotidien des clients.

La pertinence de la consigne robotisée réside dans sa capacité à proposer une solution dépassant les limites géographiques et temporelles des autres modes de retrait. Les drives, livraisons à domicile ou retraits en click&collect impliquent un déplacement depuis ou vers une zone commerciale ainsi qu’une tranche horaire imposée de récupération. Proposant plus de souplesse, le retrait en consigne peut se faire à toute heure et potentiellement en mode piéton.

En parallèle de l’émergence de ces nouveaux modes de consommation, le modèle de l’hypermarché et du supermarché est en perte de vitesse et dans l’obligation de se réinventer. Les nouveaux flux physiques et digitaux appellent une transformation de ces surfaces de vente en espaces capables d’adresser l’ensemble des canaux de retrait et de livraison. Nous voyons ces surfaces évoluer en véritables Micro Fulfillment Centers auxquels l’ajout de nouveaux modes permet de gagner et de conserver des parts de marché. L’objectif est alors de rendre ce modèle de supermarché multicanal rentable.

Quels leviers pour assurer la viabilité du modèle économique ?

Dans le modèle des courses « classiques », la préparation de commandes et la livraison au domicile du consommateur est aux frais des clients. Avec le drive, la livraison à domicile et les consignes robotisées, c’est l’enseigne qui prend en charge la totalité des opérations de préparation et tout ou partie des coûts de livraison. Pour développer leur activité tout en restant compétitives, les enseignes de distribution doivent maîtriser cette augmentation des coût opérationnels. Deux leviers sont à leur disposition :

  • Le premier est la centralisation et l’automatisation des opérations de préparation des commandes pour les retraits en consigne, le drive et la livraison à domicile. D’une part pour des raisons des compacité – le foncier est rare et cher, d’autre part pour des raisons de productivité opérationnelle. L’investissement dans un système de picking et de stockage robotisé est incontournable pour atteindre une haute performance opérationnelle dans un volume réduit, et donc rentabiliser l’activité.
  • Le second levier est la mise en place d’un système d’information capable d’orchestrer l’ensemble des processus, depuis le stockage des produits jusqu’à l’alimentation des différents modes de retrait et de livraison. L’intelligence logicielle est clé pour améliorer l’efficacité de chaque mode : réactivité lors de l’arrivée d’un client dans un Drive, chemin le plus court pour une tournée de livraisons à domicile, etc…

Le pilotage des consignes robotisées doit apporter des réponses à deux points-clés. Nous travaillons notamment sur la gestion prédictive du temps d’occupation des emplacements, avec pour objectif d’estimer le nombre d’emplacements libres et d’améliorer la rentabilité du système. L’apprentissage par observation statistique est une première étape, et il est possible d’aller plus loin en estimant, via l’usage du machine learning, une heure de retrait en fonction du contenu des commandes. Nous envisageons aussi une vérification automatisée des retours faits par les clients via les consignes. Celle-ci passera par un processus de contrôle des produits pouvant impliquer un scan du code-barre des articles, leur pesée voire la reconnaissance automatique d’objets à l’aide d’un système de vision.

Consigne robotisée Savoye

Un impact bénéfique dans la réduction des émissions de CO2

Au-delà du modèle économique, se pose également la question de l’impact environnemental des modes de retraits, et il faut dire que les consignes robotisées ont des arguments avancer sur ce terrain.
Prenons le scénario le plus courant, à savoir des courses réalisées à un rythme hebdomadaire, avec la volonté d’avoir un grand choix de produits. La livraison à domicile est traditionnellement le mode avec la plus faible empreinte CO2, du fait de la mutualisation réalisée via une tournée de livraisons optimisée, là où le drive et les courses « classiques » génèrent une grande quantité de trajets entre supermarché et domiciles.

Approvisionner un réseau de consignes robotisées s’avère encore plus intéressant que de livrer des clients un à un. C’est l’effet de la massification des points de livraison apporté par ce nouveau mode. Avec des consignes judicieusement positionnées pour générer des retraits en mode piéton ou sur des trajets domicile-travail, la réduction CO2 atteint jusqu’à 40% vs la livraison à domicile.

De fait, la participation des consignes robotisées à la réduction du CO2 diffère en fonction de la densité de l’habitat. En zone urbaine, la consigne va s’insérer dans un espace dédié ou plus probablement dans un espace mixant supérette et consigne : la récupération des courses se fait à pied ou via un trajet domicile-consigne en mode de transport doux. En zone péri-urbaine, les consignes doivent être positionnées sur les zones de passage entre domiciles et lieux de travail pour minimiser les détours réalisés pour récupérer ses courses. Seule exception à ce tableau, l’utilisation de consignes en zone rurale n’apporte pas de gains substantiels côté empreinte carbone, mais représente un service renforçant l’attractivité des territoires.

Conclusion

Comme nous l’avons exposé, la consigne robotisée présente une opportunité majeure sérieuse à la foule des modes de retrait et de livraison qui ont émergé ces dernières années. Si elle présente de solides arguments, de nombreuses questions l’entourent encore et freinent, pour le moment, la démocratisation de son usage et son déploiement à grand échelle. Les expérimentations actuelles incitent à repenser les modèles logistiques dits du dernier kilomètre au-delà de la consigne seule, mais en lien avec son mode d’approvisionnement et de préparation de commandes. Reste également à clarifier les schémas d’implantation idéaux des points de retraits et MFC, ainsi que les profils de commandes et objectifs de réactivité et de flux attendus par les clients pour chaque implantation.

Une fois ces interrogations résolues, il y a fort à parier que ces systèmes sauront d’imposer, tant les bénéfices en matière de service client et d’écologie sont importants dans une vision logistique globale.